La ville de Louxor incarnée dans un nouveau film de Zeina Durra

Soha Gafaar Mardi 20 Octobre 2020-14:38:14 Culture
La ville de Louxor incarnée dans un nouveau film de Zeina Durra
La ville de Louxor incarnée dans un nouveau film de Zeina Durra

Quand Hana, britannique qui travaille dans l’humanitaire, revient aÌ Louxor, elle croise Sultan, archeìologue de talent et ancien amant. Alors qu’elle erre dans cette vieille ville, hanteìe par les souvenirs familiers, elle s’efforce de concilier le choix du passeì et l’incertitude du preìsent. 

Andrea Riseborough et Karim Saleh sont les parfaits émissaires du film. L’actrice anglaise a été d’une grande justesse, créant un personnage spectral, cassé, habité d’une lassitude si profonde qu’elle fait mal au début du film. Sa rencontre avec Louxor, avant même celle de Sultan, est un grand plaisir de cinéma. 

« Louxor » de Zeina Durra est un film très difficile à résumer, il donne le sentiment de s’échapper sous nos doigts dès qu’on croit l’avoir cerné. Sa particularité est comprise dans son titre : l’idée fondatrice du projet de la réalisatrice britannique était d’investir la ville égyptienne, et d’y faire déambuler une femme, seule. C’est cette rencontre, la ville devenant un personnage à part entière, qui sert de socle narratif au film. Leur deux mystères, leurs origines, leur nature, composent les questionnements et les problématiques qui naissent tout au long de l’histoire, s’enchevêtrant avec une candeur qui séduit dès les premiers plans, selon lebleudumiroir.fr

Le point de départ est donc Hana, médecin, anglaise, arrivant seule dans une ville qu’elle semble bien connaître. Elle décide de résider au Winter Palace, un hôtel qui lui est familier, tout du moins on peut le deviner aisément. Hana est une femme taiseuse, et ce que l’on sait d’elle on l’apprend au fil de l’eau, par de maigres détails qu’elle se décide parfois à nous révéler. Le reste n’est que conjecture. Qu’elle était à la frontière de la Syrie et du Liban, elle nous le dit, mais ne s’étend pas sur la question, pourtant passionnante. Elle est en vacances, sans but précis, dans un élan régressif de retrouver un lieu où elle se sent bien et qui l’apaise. Le trouble qui l’accompagne prend un nouveau tour quand elle croise par hasard Sultan, un homme qu’elle a aimé et perdu de vue. 

Cette partie de l’histoire qui s’ouvre dès lors est une sorte de reconquête de soi par Hana, qui, de personne éthérée, redevient petit à petit un être à part entière. Chaque scène est un nouveau tournant, Hana seule qui plonge de nouveau dans la ville, mais Sultan apparaît de nouveau, reprenant le fil de son histoire avec celle qu’il aime, lançant un nouveau sujet, explorant un nouveau lieu chargé de symboles. D’une certaine façon il incarne aussi Louxor, il est archéologue, connaît l’histoire et la géographie de la cité. L’émotion semble infuser chaque rue traversée, l’énergie se diffusant entre les deux personnages sans qu’on sache trop quel était le point de départ. 

A la manière de la trilogie des « Before » de Richard Linklater, les personnages se retrouvent après s’être perdus, et leur difficulté à s’aimer se couple d’un vide dans leurs vies amoureuses. A quarante ans ou presque, ils sont dans le même moment de leur vie, sans enfants ni compagnons, trop investis dans leur carrière respectives, trop habités par les fantômes de leurs échecs. Paradoxalement c’est au cœur de cet aspect de l’histoire, la réunion des anciens amants, que se nichent les limites du film. Si Louxor, majestueuse et enivrante, réussit à nous happer, tout comme l’hôtel d’Hana et son charme suranné, leur histoire d’amour peine à véritablement emballer le récit. 

Certaines pistes sont abandonnées, la rencontre d’une jeune femme vécue comme une rivale, les querelles émaillant leurs rencontres qui auraient mérité peut être plus d’amplitude. Leurs échanges sont pudiques et parfois très beaux, mais on ne ressent pas toujours la magie nécessaire à la réussite totale d’une aussi belle histoire. La réalisatrice semble dès lors un peu dans la retenue, multipliant peut être trop les pistes narratives. Malgré tout, le voyage ne manque pas de charme, notamment par sa capacité à transmettre au spectateur la beauté et l’intensité émotionnelle de chaque espace rencontré. Le moindre recoin de l’hôtel Winter Palace est une île d’émotions passées qu’on peine à quitter, tout comme les personnages.

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